Friday, June 10, 2022

Sous les romains

 


 L'enceinte, qui englobe une surface de 105 hectares, enveloppe à la fois la ville araméenne et les quartiers neufs: conformément aux méthodes de la fortification romaine, c'est un rectangle (1.500 x 750 mètres) dont les faces, exception faite du front nord où la proximité du fleuve, qui sert de fossé, impose des biais et des décrochements, se développent suivant des lignes rigoureusement droites. Elle est percée de sept portes: 3 sur le front nord, 2 seulement sur le front sud (moins facile à défendre), 2 encore, les portes principales, sur les fronts ouest et est. 


La nouvelle canalisation, rendue nécessaire par l'accroissement de la population, est celle-là même qui, sous le nom d'al-Qanawāt, alimente encore en eau plus des trois quarts de la vieille ville; elle se détache du fleuve là où il entre en plaine, en amont de la canalisation primitive; avant d'atteindre la ville, elle franchit une dépression sur un aqueduc en maçonnerie, aux arches en plein cintre, qui aboutissait sans doute durant l'antiquité à un château d'eau, un nymphée monumentale. 

Le Temple est rebâti de fond en comble, au goût du jour, mais il conserve, sous son aspect occidental, les dispositions essentielles du sanctuaire sémitique. Il comporte trois enceintes disposées concentriquement: la première, qui délimite le "ḥaram" (téménos) du dieu, affecté du droit d'asile, mesure 300 m. x 310 m.; sa face intérieure est bordée d'un portique. Dans l'axe de la façade principale, s'élève un propylée; le long de sa façade postérieure, se développe le "gamma", qui renferme les magasins du temple et les logements du personnel. Au milieu de l'esplanade, se dresse la seconde enceinte (péribole) mesurant environ 160 m. x 100 m., pourvue, elle aussi, d'un propylée monumental et d'un portique couvert périphérique sous lequel s'ouvrent des exèdres. Elle enveloppe le temple proprement dit (cella, naos), qui abrite l'idole et le trésor du dieu et devant lequel l'autel et le bassin aux lustrations trouvent leur place. Tout cet ensemble est en pierre de taille de grand appareil et d'ordre corinthien.

Les quartiers neufs offrent naturellement le même aspect, en plan tout au moins, que ceux de l'époque hellénistique: on a conservé lors de l'extension de la ville le même gabarit d'îlots et les mêmes alignements. Certains d'entre eux présentent cependant une déviation de l'axe des rues: cette particularité, rapprochée de leur nom arabe (an-Naybaṭūn النيبطون) semble indiquer que c'est là une œuvre des Nabatéens, auxquels Rome cède Damas à deux reprises. 

Les rues. - La construction de l'enceinte oblige à donner une largeur plus considérable aux rues qui aboutissent aux portes. Celle qui réunit la porte orientale à la porte occidentale devient l'artère axiale, l'avenue maîtresse de la ville. Elle se développe en ligne droite sur 1.500 mètres de long, crevant de part en part, à coups d'expropriations, l'ancienne agglomération; elle reçoit une largeur de 25 m. 50, dont 12 pour la chaussée, soigneusement dallée; sur chacun de ses côtés un portique à colonnes sert de trottoir couvert et aussi de bazar: sous les colonnades, des boutiques se juxtaposent sans solution de continuité. Des motifs architecturaux (trois arcs monumentaux) coupent la perspective de cette "rue droite" aux principaux carrefours. Plus au nord, une seconde rue à colonnades, réunit le temple à l'agora: celle-ci, dont l'entrée comporte un propylée, est peut-être bordée de portiques couverts, encombrée en tout cas d'autels, de monuments votifs et des statues des bienfaiteurs de la cité.

Quelques anciennes dénominations arabes complètent notre connaissance de la ville antique. Le quartier dit "ad-Dīmās" الديماس correspond à l'emplacement du Démosion (direction des finances), voisin de l'agora. Au lieu appelé "al-Furnāq" الفرناق, étaient sans doute situés, non pas les fours à chaux (on bâtit en boue), mais les fours des potiers (fornaces). le Barīṣ البريص indique le site du palais, "al-Fusqār" الفسقار le lieu où l'on fabriquait et vendait la fusca (foscarion). Enfin, au point nommé "al-Maqsallāṭ" المقسلاط se rencontraient probablement des marchés clos et couverts (macella) devant l'entrée desquels un arc monumental supportait la statue d'un personnage debout, le bras étendu.

La plupart de ces grands travaux édilitaires furent exécutés sous les règnes de Septime Sévère et de Caracalla (fin deuxième, début troisième siècles, p.C.).




Jean Sauvaget. Esquisse d'une histoire de la ville de Damas. Revue des Études islamiques, 1934, p. 422-480.

No comments:

Post a Comment