Monday, June 20, 2022

Grandeur et décadence des Mamlūks

 


 La prospérité économique qu'on a signalée n'est pas le seul résultat paradoxal auquel ait abouti la domination des Mamlūks: ces soudards incultes et grossiers bâtissent un grand nombre de monuments qui font à Damas une véritable parure. Ce sont, avant tout - comme on peut s'y attendre de la part de gens qui, vivant dans l'inquiétude, tiennent à assurer leur sépulture - des mausolées aux façades polychromes, aux coupoles élevées, rehaussées de peintures, qui jettent çà et là dans le paysage urbain une note colorée et pittoresque; ils s'alignent de préférence le long de la route de la Mecque, afin que le fondateur puisse profiter des prières des pèlerins à leur passage. Ce sont aussi, conséquence de l'évolution des idées religieuses et de l'extension prise par la ville, des grandes-mosquées, qui s'élèvent maintenant dans chaque quartier: leurs minarets, aux fûts carrés ou polygonaux chargés de balcons et d'encorbellements (photo), fusent de toutes parts de la ligne des terrasses, donnant au panorama de Damas un accent nouveau et suspendant en plein ciel durant les nuits de Ramaḍān des guirlandes de lumières.


Mais à partir du milieu du quinzième siècle une crise économique très dure se fait sentir. L'invraisemblable régime auquel l'Égypte et la Syrie sont soumises depuis 200 ans a provoqué à la longue un appauvrissement général: l'État, ses caisses vides, ne vit plus que d'expédients; la capacité d'achat des grands diminuant, l'industrie ralentit sa production; le commerce, enfin, accablé par une fiscalité impitoyable et les exactions des fonctionnaires, agonise jusqu'au jour où les découvertes des Portugais lui donnent le coup de grâce, en faisant perdre aux routes maritimes de la Méditerranée leur importance première. Damas elle-même est particulièrement éprouvée: saccagée par Tamerlan en décembre 1400, privée à cette occasion d'une multitude de tisserands, de verriers et d'armuriers qui ont dû prendre de force le chemin de Samarqand, elle ne s'est jamais complètement relevée; c'est d'une ville plus qu'à demi ruinée que le sultan Salīm prend possession en 1516.






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