Monday, December 26, 2022

Beth Shemesh: temple Juif ou temple païen?

 


Une grave question se pose: quel édifice le peintre a-t-il eu l'intention de figurer à Beth Shemesh? Deux solutions sont proposées. Suivant la première, nous aurions ici une représentation du temple de Salomon, parce que c'est le seul grand édifice juif digne de figurer dans les peintures d'une synagogue. Les anciens auteurs juifs considérant le Temple comme un microsome, on pouvait lui supposer un décor astral; on sait de plus, spécialement par la scène du sacrifice du taureau dans le tableau numéro 12, que l'artiste en prenait parfois à son aise avec l'orthodoxie et sans doute la liberté d'ornementation ici réalisée peut être voulue, le décor de la synagogue même se justifiant par celui que l'on supposait avoir existé dans le Temple, à Jérusalem. 

L'examen des détails du tableau nous fait voir cependant de grandes difficultés. Les raisons alléguées ne suffisent pas à expliquer un désaccord complet entre les ornements et dispositions figurés dans le tableau et ceux du grand édifice israélite. Le texte même de la Bible conservant des descriptions du plan général, de la décoration et du mobilier du Temple, on ne pouvait se livrer à aucune fantaisie sans choquer un public averti. Si l'artiste avait voulu figurer le Temple, il n'eût sans doute pas manqué de peindre le chandelier à sept branches, en avant de la cella, comme il l'a fait dans le tableau du Tabernacle, et aussi l'autel, les vases de purification et d'autre objets caractéristique.

Si l'artiste s'était souvenu du dernier temple, celui d'Hérode, il eut été plus réservé encore, car on n'y voyait pas la moindre image, pas même celle d'une "plante", d'un "arbuste" (Josèphe). Hérode faillit provoquer une révolution pour avoir fait placer un aigle votif au-dessus de la grande porte. Que se fut-il passé s'il y avait groupé, comme dans la peinture de Doura, les idoles païennes que Yahvé a le plus en horreur: le veau d'or, Astarté et Ba'al. Faudrait-il admettre que le peintre n'a voulu représenter ni l'un des temples historiques de Jérusalem, ni le temple idéal de la vision d'Ézéchiel (XL-XLIII), mais un temple de la Jérusalem future, reflet d'un néo-paganisme juif?

L'ordre des tableaux qui entourent l'image de l'édifice permet d'interpréter autrement l'intention de l'artiste. Le tableau du temple est le dernier d'une série ainsi constituée:

1. Le jeune Samuel dans la ville de Silo.
2. La bataille entre les Israélites et les Philistins et la prise de l'arche d'alliance.
3. L'idole de Dagon renversée et l'arche prenant le chemin de Beth Shemesh.

Il est naturel de penser que le sujet voisin se réfère à la suite du récit, c'est-à-dire à la fin du chapitre VI de Samuel I, qui indique le lieu vers lequel se dirige l'arche d'alliance On remarquera même que le chariot peint dans le troisième tableau paraît s'avancer vers le temple figuré à côté; ce détail pourrait s'expliquer par la méthode d'"enchaînement" des scènes, dont nous avons parlé. En effet, le texte nous dit formellement que les deux vaches prirent miraculeusement la direction de Beth Shemesh, dont le nom signifie littéralement "la maison du Soleil", ou tout aussi bien "le temple du Soleil". Il est naturel que le peintre n'ayant aucun autre renseignement sur l'aspect réel de Beth Shemesh l'ait figurée à la ressemblance des temples du Soleil, qu'il connaissait. 

On fera cette objection: pourquoi l'artiste, ou plutôt le rabbin qui le dirigeait, aurait-il donné une place aussi importante à la représentation d'un lieu dont il est à peine question dans la Bible? Le texte n'en parle guère que pour nous signaler la mauvaise conduite des habitants (I Samuel, VI, 19-20).

Entre les deux explications proposées, le lecteur choisira celle qui lui paraîtra la plus vraisemblable.







Comte du Mesnil du Buisson. Les Peintures de la Synagogue de Doura-Europos, 245-246 après J.-C., Roma, Pontificio Istituto Biblico. Piazza della Pilotta, 35.  1939.





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