Friday, December 2, 2022

Aaron


 Le tableau que nous étudions (numéro 12) contient six figures. Aron, la plus grande et la plus près du centre, se reconnaît avec certitude grâce à l'inscription grecque voisine de sa tête. Une tenture rose est suspendue en arrière. 


Le costume du Grand Prêtre attire l'attention par sa complication et sa richesse. En voici les pièces, sommairement décrites:

1. Un grand manteau rouge en forme de cape, bordé d'un large galon d'or et retenu sur le devant par une grande boucle ovale en or et pierreries: une pierre noire au milieu de quatre pierres blanches. Des galons d'or divisent le manteau en trois larges bandes horizontales; les deux du haut sont ornées, dans la partie visible et de chaque côté du devant, par des Victoires aux ailes éployées qui tiennent dans leurs mains des couronnes enrubannées. Dans la bande du bas, on reconnaît, semble-t-il, un Géni ailé très effacé. Le manteau est orné en outre de cabochons nombreux.


Comme dans le cas des acrotères du Tabernacle, il est probable que dans l'esprit du peintre ces Victoires et ces Génies représentent des chérubins. Les ailes s'expliquent par les descriptions bibliques (par exemple Exode, XXV, 20). Plus tardivement, l'art chrétien a aussi utilisé les figures de Victoires pour représenter les anges.

2. Sous le manteau, Aaron porte une tunique ou robe courte, bleue, galonnée d'or, avec une ceinture blanche. Ce vêtement paraît rappeler la tunique perse. 

3. En dessous, une longue robe est d'un tissu à carreaux verts et noirs, avec un galon d'or en bas. 

4. Aaron porte encore, à la mode perse, des bottes souples, blanches. Ce détail fait supposer qu'il avait sous la robe des pantalons comme en portaient aussi les Perses.

 5. Sur sa tête enfin est représentée une mitre haute, arrondie, recouvrant les oreilles; un rang de perle garnit le pourtour et un voile pend par-derrière. La mitre et le voile sont rouges.

Le costume d'Aaron nous est connu en détail par l'Exode, qui lui consacre deux chapitres presque entiers (XXVIII et XXXIX); cette description minutieuse correspond très mal avec l'ensemble que nous venons de décrire. Il est difficile de penser que les Juifs du troisième siècle aient perdu le souvenir de l'éphod au point de se le représenter comme une lourde cape. Ni la forme, ni la couleur, ni le nombre de pierres ne rappellent la description biblique. 


Éphod

Quant à la tiare, elle est dans la peinture dépourvue du diadème d'or gravé qui lui donnait son caractère de sainteté (Exode XXVIII, 36-38, XXXIX. 30-31). La tiare représentée ressemble beaucoup plus à celle des rois perses, bien connue par les monnaies dès le premier siècle avant J.C. 

Comme on ne saurait admettre que l'auteur de cette figure ait inventé de toute pièce un costume aussi compliqué, il faut rechercher où il l'a vu. Notons que sauf la tiare, les prêtres païens de Doura ne paraissent avoir connu aucun costume comparable. 

C'est dans l'art et la liturgie chrétiens et byzantins que nous trouvons des costumes semblables: la grande cape ou lacerna d'origine probablement perse; la robe courte ou dalmatique et de dessous la robe longue. C'est précisément le costume donné par les peintures du moyen âge à Moïse et à Aaron dans le Tabernacle. En présence du tableau de la synagogue, on se demandera si le costume représenté n'est pas un ancien vêtement liturgique juif, en usage dans les synagogues d'Orient, dans les premiers siècles de notre ère. Il aurait passé de là dans la liturgie chrétienne apparentée par ses origines au culte de la synagogue.





Comte du Mesnil du Buisson. Les Peintures de la Synagogue de Doura-Europos, 245-246 après J.-C., Roma, Pontificio Istituto Biblico. Piazza della Pilotta, 35.  1939.



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