Wednesday, December 7, 2022

Moïse et le Miracle de l'Eau (suite et fin)



 Au milieu du camp et devant le Tabernacle, Moïse fait jaillir l'eau miraculeusement. Il est debout, légèrement tourné à droite, le visage de face. Sa barbe, son teint basané, acajou, comme dans les tableaux du premier registre, le font reconnaître aisément. Il porte le costume grec à ṣīṣīt, mais le tissu en est curieux. Le fond est décoré de carreaux blancs et orangés, les pièces rapportées, clavi, larges bandes descendant le long de la robe en entourant l'avant-bras sont à carreaux mauve et brun violacé (1). Sur l'épaule gauche, un lacet noué ferme l'encolure. Moïse a les pieds nus, peut-être pour marquer la sainteté du lieu. Le camp était un saint (Deutéronome, XXIII, 14); plus saint était le devant du Tabernacle. 

Moïse montre de la main gauche ouverte un bassin ou une margelle de puits, dans laquelle jailit l'eau; elle en sort en formant douze ruisseaux sinueux qui se dirigent vers l'intérieur des tentes. De la main droite, Moïse lance dans l'eau un bâton qui est en même temps sa verge. On distingue nettement une solution de continuité entre la main de Moïse et le bâton. 

Pour se représenter le miracle de l'eau dans le désert, le peintre disposait de récits bibliques varié (2), puisque le problème de l'eau s'est posé à chaque étape et que presque chaque fois, dans des circonstances très diverses, la protection de Yahvé s'y manifestait à la prière de Moïse. 

Nous savons par l'Exode (XXIII, 16) que Moïse créa (ou restaura) une fête du retour annuel des eaux et en même temps de la végétation, la fête des prémices de la semence ou des Tabernacles. Le premier jour de la solennité, tout Israélite devait cueillir des fruits et des branches, et pendant sept jours demeurer sous des tentes (Lévitique, XXIII, 40-43) d'où le nom de "Tabernacles". On se souviendra à ce propos que les tentes peintes dans la présente composition sont bien plutôt celles d'une fête, que de vraies tentes bédouines. 

Ces réjouissances avaient une signification agraire et elles devaient attirer la bénédiction de Dieu sur les récoltes (Deutéronome, XVI, 13-15), c'est-à-dire provoquer des pluies abondantes. Tel est en définitive le but du cérémonial: renouveler et perpétuer le miracle de Moïse distribuant l'eau avec largesse à tous les Juifs. A cette pensée répondait le Christ lorsque, au jour de la grande solennité, il s'écriait: "Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi, et qu'il boive. Celui qui croit en moi, des fleuves d'eau vive, comme dit l'Écriture (Isaïe, LVIII, 11)couleront de son sein" (Jean, VII, 37-38)

Les douze ruisseaux irriguant les tribus, les tentes, les Hébreux rendant grâce à Yahvé devaient donc apparaître aux Juifs de la synagogue comme l'explication de leur grande fête des Tabernacles. 







(1) Des tissus à carreaux, en laine, sont fabriqués de nos jours dans toute la région. Ils servent de couvertures et exceptionnellement de vêtement.

(2) Les Israélites manquèrent d'eau pour la première fois à Māra, après trois jours de marche dans le désert.





Comte du Mesnil du Buisson. Les Peintures de la Synagogue de Doura-Europos, 245-246 après J.-C., Roma, Pontificio Istituto Biblico. Piazza della Pilotta, 35.  1939.


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