Tuesday, July 11, 2023

La population damascaine

 


 Il y a, à Damas, trois cent mille musulmans, à côté desquels vivent trois mille juifs conduits par un rabbin intelligent et bien disposé à notre égard; dix mille Arméniens, pauvre troupeau dont le clergé n'a aucune autorité; cinq mille Grecs orthodoxes, dont le patriarche. Grégoire IV, se tient dans une prudente neutralité, et autant de Grecs catholiques sincèrement francophiles. 


La ville de Damas, fière de son passé, est un foyer de méditations, un centre de grande activité musulmane, où le cœur arabe bat plus fortement qu'ailleurs; les passions qui s'y déchaînent ont une répercussion, non seulement au Levant, mains encore en Égypte et même en Afrique du Nord. C'est à l'ombre des mosquées, dans les Universités, dans les cafés et les caravansérails, que complotent les musulmans xénophobes, hostiles au mandat français. Leur fanatisme religieux est immense et, à Damas, les ulémas ont une influence presque toujours décisive. Le plus considéré d'entre eux, le šayẖ Badr ad-Dīn, est universellement renommé dans le monde de l'Islam; c'est un vieillard, dont il aurait fallu s'occuper davantage; il semble que, si nos représentants l'avaient moins négligé, on aurait peut-être évité les tragiques émeutes d'octobre; en tous cas, notre tâche dans cette ville si profondement musulmane aurait été certainement facilitée. 

Le nationalisme des Damascains, à base panarabe, agit sous une formule habile "l'Unité syrienne". Les émeutiers sont présentés comme épris d'un idéal politique; aussi les modérés n'osent-ils pas désavouer trop haut le mouvement insurrectionnel, par crainte d'être accusés d'anti-patriotisme. Toutefois, ces modérés restent partisans convaincus de l'occupation française; ils en sentent la nécessité et se rendent parfaitement compte que, sans nos troupes, leur pays sombrerait dans le désordre et l'anarchie. 

Dans les milieux intellectuels, les opinions diffèrent; la Faculté de médecine écoute volontiers le médecin-colonel Jude, Directeur du service de santé de la région, dont les conseils font autorité et maintiennent la correction des milieux médicaux à notre égard. Il n'en est pas de même à la Faculté de droit, où les esprits sont portés vers l'intransigeance. 








Édouard Andréa. La Révolte druze et l'insurrection de Damas, 1925-1926. Payot, Paris 106 Boulevard St. Germain, 1937. 

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