Le Jabal vit sous un régime de terreur imposé par Sulṭān; les renseignements recueillis à ce point de vue sont unanimes; les cheikhs druzes n'ont plus aucune liberté pour exprimer leur opinion; la guerre contre la France a été décrété par le maître tout puissant, et tout Druze, de quelque catégorie sociale qu'il soit, doit s'y préparer sans rien objecter.
En revenant du Jabal, où il a passé quelques jours, le correspondant d'un grand journal européen, résume comme il suit ses impressions:
"Sulṭān al-ʾAṭraš est le dieu aimé, Le docteur Šahbandar, véritable chef d'état-major de l'insurrection, dirige tout: il a auprès de lui des étudiants en médecine et en droit de la Faculté américaine de Beyrouth. Il reçoit une volumineuse correspondance de Damas, de Beyrouth et de la Transjordanie.
"À Soueida, armes et munitions sont en quantité considérable; selon son expression, "on marche dessus". Elles viennent du Ḥijāz par caravanes de chameaux, fournies par les Wahhābites d'ibn Suʿūd.
"Cheikhs et paysans druzes sont convaincus qu'il vaincront les colonnes françaises lorsqu'elles essayeront de pénétrer dans le Jabal."
Ces renseignements de journaliste sont confirmés par ceux des émissaires à notre solde, et par les lettres que nous recevons des quelques amis qui nous restent encore dans le pays. On nous écrit qu'en prévision de la guerre, les familles druzes: femmes, enfants et vieillards évacuent les villages et vont chercher refuge dans la montagne, au désert du Ṣafa et en Transjordanie; les hommes valides, au contraire, attendent dans leurs foyers les ordres de Sulṭān.
Notre ami Ṭalāl pāša, cheikh de la famille ʿĀmir, annonce que les paysans du Maqran (1) nord, obligés de suivre le mouvement, ne résisteront pas dans les combats et feront leur soumission dès qu'ils seront en présence des soldats français; lettre toute de diplomatie, car nous savons à quoi nous en tenir quant à l'autorité du pāša dans sa tribu. En vérité, nous ne devons compter sur aucun concours local.
Cette correspondance avec les cheikhs du Jabal s'espace d'ailleurs de plus en plus, à mesure que l'on approche du moment où vont commencer les opérations; Sulṭān fait surveiller ceux des chefs druzes, suspects de sympathie pour nous, et les porteurs de lettres sont cruellement punis; c'est ainsi que deux de nos émissaires ont le poignet tranché par le docteur Šahbandar, apôtre de l'indépendance syrienne (2).
(1) Région.
(2) Alice Poulleau. À Damas sous les bombes. Journal d'une Française pendant la révolte syrienne 1924 - 1926. Ed. Bretteville Frères, (Paris 1926). P. 225.
Édouard Andréa. La Révolte druze et l'insurrection de Damas, 1925-1926. Payot, Paris 106 Boulevard St. Germain, 1937.
Photo: Sulṭān al-ʾAṭraš et le docteur Šahbandar.
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