Wednesday, July 5, 2023

Considération sur la pacification

 


 L'essai de pacification tenté après la délivrance de la garnison de Soueida n'a donné aucun résultat; le chef de la famille ʾAṭraš a bien fait sa soumission à ʿAra عرى, mais il est le seul Druze venu à nous. Par ailleurs, les renseignements recueillis indiquent nettement que les paysans ne veulent pas rentrer dans leurs villages par crainte de représailles de notre part. 


La propagande anti-française est plus active que jamais; les chefs de la rébellion trompent les populations, en déformant les événements du Maroc; ils font d'ʿAbd al-Karīm le maître de la situation au Maġrib et annoncent notre prochain départ de ce pays, comme aussi de la Syrie.  

La révolte druze, loin de s'apaiser, entre au contraire dans une phase plus active. Soutenus par l'or venant de l'étranger, les féodaux ont intérêt à la poursuivre, car ils en retirent des profits personnels, et ainsi notre œuvre de pacification s'annonce comme devant être très longue. D'autre part, la mauvaise saison approche, les pluies vont rendre les pistes impraticables, même aux voitures légères et à plus forte raison aux camions, aux canons et à leurs lourds caissons. Le froid et la neige dans ce pays de haute altitude - mille à mille deux cents mètres en moyenne - interdiront à la troupe le seul mode de stationnement possible: le bivouac, et nous mettront dans l'impossibilité de continuer les opérations.       

Quant à pacifier le Jabal avant l'hiver, c'est-à-dire en moins d'un mois, et cela dans l'état d'esprit où se trouve sa population, il n'y faut point songer. Ce n'est que par une action politique patiente et par une contre-propagande habile et continue, que nous montrerons aux Druzes leur erreur. Il faut, avant tout, ramener la confiance chez eux; leur prouver, par nos actes et notre conduite, que loin de vouloir leur asservissement, comme on leur fait accroire, nous travaillons au contraire à assurer leur indépendance et la tranquillité de leurs foyers. 

C'est là une œuvre de longue haleine, car nous sommes en Orient ou tout est lenteur; nous atteindrons sûrement notre but au printemps prochain, quand il sera possible de promener nos colonnes, sans arrêt, partout dans le Jabal, jusqu'à complète pacification.   

Il en est ainsi décidé par le commandement et, en attendant le retour des beaux jours, les troupes de l'expédition sont réparties, à la périphérie du Jabal-Druze, dans des positions fortifiées, échelonnées le long de la voie ferrée Damas-Palestine. Les stations ʾIzreʿ إزرع, ĠazālaDarʿaBuṣra, reçoivent des garnisons; un poste est poussé à Buṣr al-Ḥarīr au pied même du Jabal, en contact avec les premiers villages druzes de ce côté. A Buṣra, un bataillon loge dans le vieux théâtre romain, immense et imposante construction aménagée en caserne par les Turcs. La ville elle-même est un centre d'attraction pour les populations de la région; Transjordaniens, Syriens, Druzes, y affluent aux jours de marché et nos officiers de renseignements pourront y glaner des nouvelles utiles à la conduite de notre contre-propagande, et à la mise sur pied du plan de campagne du printemps prochain.







Édouard Andréa. La Révolte druze et l'insurrection de Damas, 1925-1926. Payot, Paris 106 Boulevard St. Germain, 1937. 

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