Thursday, July 27, 2023

Atouts druzes et leurs limites

 


 Pour s'opposer au retour de nos colonnes en pays druze, Sulṭān al-ʾAṭraš adopte la défensive, procédé contraire aux habitudes généralement offensives de ce peuple guerrier; mais que justifient cependant la différence des armements en présence et la valeur défensive incontestable des positions choisies.


Les Druzes sont de très remarquables tireurs; il est nécessaire que nos soldats le sachent bien, au seuil des nouvelles opérations, pour qu'eux-mêmes prennent toutes précautions pour ne pas offrir à leurs adversaires des cibles trop voyantes. Les Druzes utilisent admirablement le terrain; vêtus d'une longue chemise noire et coiffé d'un turban de même couleur, il est difficile de les distinguer au milieu des rochers et des pierres noires qui couvrent le pays un peu partout; ils savent très bien s'aplatir sur le sol et garder l'immobilité dès qu'un avion les survole, et nos observateurs ont beaucoup de peine à les repérer. Doués d'une vue perçante, ils discernent de très loin les mouvements de nos plus petites unités, saisissent vite ce qui ne va pas chez l'adversaire et savent en profiter.

Les Druzes n'attaquent généralement pas pendant la nuit et abandonnent presque toujours le combat dès qu'il fait noir, pour aller se restaurer et se reposer dans les villages à proximité. N'ayant pas, comme nous, des convois transportant vivres et munitions, ils portent sur eux le plus grand nombre possible de cartouches, et comme nourriture, une galette d'orge leur suffit pour la journée. Ils sont d'une mobilité extrême et nos groupements réguliers, plus lourds, ne peuvent espérer les atteindre dans la poursuite.       

Ayant du mordant dans l'action, mais moins d'obstination, ils n'insistent généralement pas et s'en vont, lorsqu'on les attaques avec énergie; mais, que le camp opposé hésite, flotte et recule, ils foncent furieusement sur lui et c'est alors que le danger peut être grand; exemple: l'affaire de Mazraʿa où certains de nos éléments, pris de panique, ont été massacrés à peu près entièrement. Par contre, les Druzes craignent par-dessus tout d'être tournés, aussi se retirent-ils toujours du combat lorsqu'on manœuvre leurs flancs.   

Devant un ennemi aussi mobile, se dispersant lorsqu'il constate qu'il ne peut rien, et n'offrant jamais un objectif assez important pour que l'on puisse monter contre lui une attaque en règle, force est donc à une colonne de se fixer des buts géographiques dans ses projets d'opérations.











Édouard Andréa. La Révolte druze et l'insurrection de Damas, 1925-1926. Payot, Paris 106 Boulevard St. Germain, 1937. 

Illustration: Druze des environs de Damas. Les costumes populaires de la Turquie en 1873, (page 275) 

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