Dans la nuit du 16 au 17 septembre 1925, deux milles rebelles druzes descendent de la montagne en direction du camp français; les nôtres sont tout au plus cinq cents. il fait très noir; aucun indice ne fait supposer une attaque et les légionnaires sont tranquilles dans leur bivouac lorsque, burusquement, éclatent les premiers coups de fusil. En quelques secondes, chacun est à son poste de combat et la fusillade devient tout de suite intense. La poussée druze est si violente qu'en un point du front l'adversaire arrive jusqu'aux retranchements qu'il s'apprête à franchir, mais une charge à la baïonnette le rejette au loin. Dans leurs vociférations, les Druzes crient aux légionnaires - qu'ils prennent toujours pour des Syriens- de cesser de tirer sur leurs frères et de se joindre à eux pour aller attaquer le camp français d'ʾIzraʿ إزرع; La Légion d'Afrique répond en accélérant le tir de ses mitrailleuses.
Le combat se poursuit acharné pendant toute la nuit; quelques rebelles s'introduisent dans une maison, probablement avec la complicité des habitants, montent sur les terrasses et tirent dans le dos des légionnaires aux prises avec l'assaillant du dehors; mais, heureusement, le jour se lève et ces audacieux, que l'on distingue enfin à l'intérieur de nos lignes, sont vite abattus. A l'extérieur, les Druzes, mieux repérés par les mitrailleuses, maintenant qu'il fait clair, abandonnent la partie, s'enfuient vers la montagne et le calme revient sur Musayfira et ses alentours.
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Légionnaires du 4e REI à Messifré (Al-Musayfirah aujourd’hui) en 1925. |
Pertes importantes des deux côtés; mieux que des phrases, les chiffres précisent la violence du combat:
Chez les légionnaires: quarante tués, cent blessés et presque tous les animaux tués.
Chez les rebelles: des cadavres tout autour du village: on en compte deux cent dix dans un rayon de quelques centaines de mètres; ce sont ceux que l'assaillant n'a pu emporter, car les Druzes laissent rarement leurs morts sur le terrain et jamais leurs blessés. Dans quelques jours, à Soueida, nous apprendrons que leurs pertes se chiffrent à quatre cents tués, auxquels on peut ajouter autant de blessés. Quatre drapeaux druzes sont restés entre nos mains.
Une fois de plus, la Légion étrangère s'est couverte de gloire; son succès est chèrement acquis, mais venant après la défaite de Mazraʿa, il est comme un rayon de soleil dans le cœur de nos soldats. Chez tous, maintenant, la confiance a chassé l'inquiétude qui pouvait encore subsister, et c'est allègrement qu'ils partiront, demain, pour aller délivrer leurs frères bloqués dans la citadelle de Soueida.
Édouard Andréa. La Révolte druze et l'insurrection de Damas, 1925-1926. Payot, Paris 106 Boulevard St. Germain, 1937.
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