La presse de Damas a une publicité restreinte; les journaux se vendent au numéro dont chacun est lu et commenté par un lettré, au milieu d'un cercle nombreux. De par cette diffusion verbale des articles, l'action de la presse est importante, cela d'autant plus que le rayonnement de Damas, dans le monde musulman, s'étend jusque dans les Indes et même au Soudan.
La municipalité de la ville est nettement nationaliste, voire même extrémiste; elle représente le "parti du peuple", organisé par le docteur Šahbandar, avec les éléments de la jeunesse intellectuelle. Ce parti attire à lui les mécontents et groupe toutes les aspirations à l'indépendance totale; ses chefs ont compris l'appui que peut donner la révolte druze à leur mouvement, aussi ont-ils fait alliance avec Sulṭān al-ʾAṭraš.
De profonde différences de race, de religion et de mœurs, séparent les chefs nationalistes damascains des cheikhs druze; mais les uns et les autres s'entendent et s'unissent pour faire bloc contre les idées démocratiques de l'Occident, qu'ils nous accusent d'apporter dans leurs pays au détriment du prestige et des profits moraux et matériels qu'ils tiennent de l'ancien état de choses.
Nombreuses sont les familles riches, acquises au mandat français, qui, craignant les troubles et les émeutes, se sont réfugiées à Beyrouth et, plus loin encore, en Égypte. Elles ont laissé la place libre aux extrémistes, alors que leurs présence et le prestige de certaines d'entre elles auraient amené les masses à plus de modération. Reconnaissons à leur décharge, que nous n'avons pas toujours soutenu les chefs de ces grandes familles qui, pourtant, à notre arrivée en Syrie, avaient donné des preuves certaines de leur attachement à la France.
Telle est, en résumé, la situation des esprits à Damas, au commencement du mois de décembre 1925. L'insurrection déclenchée en octobre dernier, et réprimée par le bombardement du quartier Šāġūr, reste latente à l'intérieur de la ville et s'est étendu à la campagne environnante. Les agissements des bandes dans la Ġūṭa n'ont reçu jusqu'ici qu'un semblant de répression, au moyen de bombardements d'avions, que les villageois nous reprochent, comme leur faisant plus de mal qu'aux rebelles.
On ne pouvait faire mieux avec l'insuffisante garnison dont on disposait alors, mais aujourd'hui qu'elle est renforcée, il importe d'agir avec vigueur pour ramener les musulmans dans le droit chemin et empêcher que le mouvement insurrectionnel ne gagne d'autres régions.
Édouard Andréa. La Révolte druze et l'insurrection de Damas, 1925-1926. Payot, Paris 106 Boulevard St. Germain, 1937.
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